Pascal Bernier
Pascal Bernier est un artiste qui parvient à charmer le public avec ses sculptures, ses peintures et ses images photographiques. Par ses métaphores subtiles, il apporte la consolation là où se cache le désespoir. Il manie un style énigmatique, plein de symboles. Et cependant, son œuvre n’est pas difficile à comprendre. Le visiteur réalise tout de suite ce dont il s’agit.
En parcourant son atelier, on remarque immédiatement ses animaux empaillés. Ils semblent réels. Il applique des pansements sur leurs blessures au ventre ou à la tête, non sans une certaine ironie bien sûr. Les natures mortes éveillent d’emblée notre sentiment d’empathie. Voyez le jeune Bambi gisant au sol, qui nous fixe du regard d’un grand œil. Un œil : l’autre a été bandé par Bernier, tout comme les maigres petites pattes. Cette image est particulièrement fragile et touche une corde sensible universelle en nous : celle de la compassion. L’artiste semble guérir les blessures du petit animal en lui appliquant les bandages. En le transformant en œuvre d’art, il semble lui rendre vie. Bernier a complètement momifié un ours énorme, une tendre image dans cette série. « Pour moi, cette œuvre est en quelque sorte une allégorie dans laquelle je chéris mes rêves d’enfant. Et en même temps, je suis attiré par l’influence que la manipulation et l’exploitation de ces sentiments affectifs ont conquise dans les medias et dans le monde politique et économique. L’émotion spontanée semble refouler la pensée. » Le visiteur peut également y lire un message éthique ou moral, quoique ce ne fût pas l’intention première de l’artiste lorsqu’il a créé son œuvre. De plus, ne serait-il pas opportun d’adopter une attitude plus durable concernant la nature ?
Bernier observe le comportement humain avec un humour discret et enjoué. Vous connaissez sans doute ses boîtes de conserves de thon, flanquées par des croix qui se veulent être une accusation de l’exploitation industrielle à outrance de la nature. Ce Funeral Fish est à première vue une drôlerie mais il dénonce en fait un problème sérieux. Il en est de même pour son œuvre « Bipolar Perversion ». Un nounours brun câlin simule une liaison romantique avec un ours polaire menacé d’extinction. Jamais auparavant la perversité et la domination de la consommation illimitée et de la polarisation entre les races n’ont été représentées de façon aussi légère mais aussi douloureusement directe. Il ne nous cache pas son amour pour la provocation. Son œuvre la plus provocante est sans doute la vidéo où il immobilise des fleurs fragiles avec du papier collant pour les détruire ensuite, comme un vrai iconoclaste, au marteau et à la ponceuse. Ces plantes n’ont aucune possibilité de se défendre.
On peut lire l’œuvre de Bernier comme une réflexion sur la vie et la mort. Il parvient à stimuler notre relation à la nature, livrée à une exploitation arbitraire, avec un faux cynisme. Peut-être Bernier excelle-t-il encore le plus dans le jeu qu’il mène avec nos angoisses et nos désirs ?